Tu traînais autour de la fontaine. Malgré les allers et venus des gens, tu la trouvais apaisante. Le bruit de l'eau te faisait te sentir bien, sans que tu ne saches vraiment pourquoi. Mais ça n'avait pas d'importance, tant que personne ne venait te déranger. Ce genre de moment, tu aimais les passer seule. Autant tu étais assez sympathique, autant tu n'aimais pas ces gens qui venaient faire la conversation à tout bout de champ, à toute occasion sans se soucier de s'ils dérangent ou non. Enfin bon, pour l'instant tu n'avais pas à te plaindre, personne n'était venu te parler, et le trois quart des gens ici ne voyait rien ou pas grand chose, il y avait alors peu de chances que l'on vienne t'importuner. En y pensant, tu te disais que ça devait être l'enfer d'être aveugle. Soit, naître avec aider à s'habituer, on avait pas mal de temps pour le faire. Mais ne rien voir. Pas un visage, pas un paysage, rien. Ni celui de ses parents, ni de ses amis, ni de celui qu'on aime. Ni de sa maison, ni des alentours, ni des terres inconnues. Rien. C'était si triste du point de vue de quelqu'un qui voyait tout, qui voyait bien. Mais tellement injuste, du point de vue d'un prosodien. Tu aurais été une prosodienne, tu en aurais sûrement voulue au monde entier pour t'avoir fait naître ici. Pour t'avoir fait naître sans pouvoir voir quoi que ce soit. Certes ça n'aurait été la faute de personne, ça aurait été comme ça et c'est tout, mais tu n'aurais très sûrement pas pu l'accepter aussi facilement. En tout cas, si tu étais née prosodienne, avec le même caractère que tu as, tu l'aurais très mal vécue, et l'aurais fais payer. Peu importe à qui, si ça n'était pas ta faute ni celle des autres, il t'aurait fallu un coupable dans tous les cas. Et ça n'aurait pas été toi.
Un bruit te sortie de ta rêverie. Personne n'était là, sauf un homme, qui manifestement venait de tomber. Un petit soupir t'échappa, tu avais beau vouloir être tranquille tu ne pouvais pas non plus voir quelqu'un tomber sans l'aider. Tu te levas alors et trottinas vers lui jusqu'à arriver à ses côtés, te penchant pour lui toucher une épaule de ta main, histoire qu'il sente que quelqu'un était là.
tu t’étais levé avec cette envie cette motivation d’aller ailleurs d’aller voir les autres de communiquer.
c’était rare, toi qui d’habitude cherche le calme et la solitude, tu étais d’humeur à discuter, d’humeur à parler. alors tu avais quitté ta chambre, rejeté ta couette et la chaleur de ton foyer pour te rendre au centre. tu connais ta ville, tu connais oba mais tu ne la connais pas vraiment. tu ne la vois pas, ne l’admires pas. c’est triste et cruel à tes yeux, même s’ils sont aveugle - tu es aveugle.
tu marches, te ballades, laisse le vent caresser ta peau. tu tombes.
tu ne sais pas ce qui provoque ta chute ; tu ne sens que la douleur. tu sais déjà que tes mains sont écorchés, ton pantalon déchiré. tu soupires car tu devras trouver quelqu’un pour le raccommoder. puis tu entends une voix ( elle résonne ).
« Tu vas bien ? Tu peux te lever ? »
tu lèves la tête vers la voix qui t’interpelle, tu ne peux pas voir ton interlocuteur mais au moins lui te verra. elle. la voix était féminine.
tu te redresses, retire sa main de ton épaule au passage. tu essayes de la fixer, de al regarder dans les yeux comme le ferait quelqu’un de normal
« très bien merci, je tombe souvent, j’ai l’habitude. »
tu as peur que le silence s’installe entre vous que la personne s’en aille tu es là pour discuter après tout
« j’espère que ma chute ne t’a - vous ? - pas importunée »
tu regrettes de ne pas réellement savoir à qui tu t’adresses.