Il existe un monde dont je ne peux imaginer les couleurs ○ End

Union donnant naissance à une enfant blanche et aveugle. Bianca fut son prénom, révélant la blancheur de son teint et le vide de ses yeux dépourvus de lumière. Du moins en parti car chaque personne est à ses yeux une couleur. Un feu follet qui se balade sans forme précise, simplement brumeux. Alors, elle a appris les couleurs de ses parents, le blanc et le noir. Cela ne lui a jamais permis de voir leur visage, tout ce qu'elle pouvait faire était de l'imaginer grâce au toucher. C'est là sa plus grande déception, ne pouvoir qu'imaginer sans jamais rien voir. Grandir fut compliqué, elle se cognait souvent, plongée dans les abysses. Heureusement, son père n'avait pas perdu la vue, il pouvait l'aider à se déplacer sans être constamment blessée. Pas très riche, souvent montrés du doigt, ils se débrouillaient dans le moindre confort pour vivre comme une famille normale.

Cependant, deux aveugles ne facilitaient pas les choses. L'union même de ce couple posait problème, un ancien soldat syllabien avec une ancienne prosopéenne marquait une immense trahison. S'ils n'avaient ni leur place en Syllabe ni en Prosopée, ils l'ont trouvé dans ce continent qui malgré les conflits leur permettait de vivre ensemble. Belle idylle qui enchantait leur vie et leurs récits toujours romanesques faisaient rêver leur enfant. Leur vie avait été une grande aventure, elle espérait mener les mêmes expériences cependant en grandissant, rien ne l'enthousiasmait. Elle appréciait s'entraîner à percevoir le monde pour se déplacer dans son espace avec plus d'aisance, aider sa mère pour la cuisine ou le ménage mais cela devenait monotone. Même si elle ne pouvait pas voir le monde, elle voulait s'y promener, sentir un air différent, de renouveau.

Le premier événement qui contribua au changement fut son pèlerinage. C'était la première fois qu'elle s'était sentie excitée autant qu'angoissée. Car avancer en se fiant aux autres enfants l'avait inquiété. Et si elle les perdait ? Qu'elle n'entendait plus ? Plus de peur que de mal, l'épreuve fut réussite et elle put rentrer pour retourner au quotidien. Avec les moyens du bord, son père fit un bracelet pour qu'elle ne perde jamais sa pierre précieuse. Elle ne le retire quasiment jamais de peur de l'égarer.

Les années se sont écoulées, elle a choisi un métier lui permettant de dialoguer, de découvrir les autres terres même si tous les paysages sont les mêmes pour elle. Son odorat la guide, son toucher lui permet de visualiser ce que son regard a perdu. Et sa voix danse d'un endroit à l'autre, la déplaçant dans l'espace si vide. Son ouïe lui permet de mémoriser les personnes qu'elle a rencontré, gravant cela dans son cœur. Car, Bianca aime parler, aime découvrir le monde et elle y prend plaisir.

A ses huit ans, comme nombre d'enfants, elle partit en quête d'une pierre dans cette épreuve commune. Moult rencontres s'en sont suivies, les candidats étaient nombreux pour ce voyage difficile. Contrainte de se reposer sur ses autres sens, sa vue lui étant privée, elle était à la traîne. Difficile de marcher quand on ne peut voir le paysage. Elle devait se concentrer sur son ouïe pour entendre les autres et les suivre. Ce fut difficile, les paroles de certains étaient salées, la privant de sourire. Car elle était différente, fille de traîtres.
La tour en émerveilla plus d'un, pour elle c'était juste une épreuve de plus, difficile avec sa condition. Elle restait assise, effleurant de ses doigts chaque parcelle pour tenter de dénicher une pierre magique. Parcours compliqué mais fructueux car en creusant un peu, elle mit la main sur une pierre aussi verte que ses yeux.